Adieu Taï

Voilà, j'ai écrit ça il y aura 15 jours mardi.
Je ne suis pas fière de moi.
Au quotidien, j'oscille entre la culpabilité et le soulagement.

SoWhat, le 28 août 2012 a écrit:

XXX, le 28 août 2012

Ce matin, quand j’ai ouvert les yeux, je me suis souvenue que tu n’étais plus là.
La place où se trouvait ta cage est vide.
La petiote a semblé perturbée au moment de son repas, de manger un à autre endroit, de ne pas être obligée d’aller dans son panier pendant la préparation du repas pour éviter les bagarres, de ne pas devoir finir sa gamelle en 3 minutes chrono.

J’ai un peu l’impression de t’avoir perdu il y a déjà plusieurs semaines. Quelque part entre les nombreux examens médicaux inutiles, et tes phases léthargiques.

Et puis… j’ai commencé à avoir peur.
J’avais peur pour ma chienne, tu ne l’aimais plus, j’avais peur que tu finisses par lui faire du mal.

Dimanche matin, alors qu’elle venait de se rouler dans une crotte de chevreuil, tu t’es jeté sur elle. Ne voyant rien, ton flair était devenu ton seul guide, tu l’as prise pour un chevreuil.
Le bon chien que tu es, au moment de la collision, s’est aperçu de son erreur, et ça s’est arrêté là.

Mais si elle s’était enfuie ? Si elle s’était comportée en proie ? A quel moment est-ce que tu te serais aperçu de ton erreur ?

J’ai eu peur que l’histoire se répète.
Je ne l’aurai pas supporté.
Alors, j’ai pris la décision.

Hier matin j’ai appelé la clinique. C’était facile d’avoir un RDV dans la matinée. Même pas besoin d’explication, comme si pour elle le seul fait que tu sois aveugle justifie qu’on mette fin à tes jours.

J’ai insisté pour qu’elle ne te mette pas un cathéter à vif, mais qu’elle te donne un tranquillisant. Tu ne méritais pas de souffrir.
Alors….je me suis installée par terre près de toi, et je t’ai gratouillé pour la dernière fois.
Tu t’es rapidement endormi, la tête posée sur ma main, la truffe sur mon jeans.

Et puis elle est entrée.
A installé le cathéter.
Et t’a injecté une dose mortelle de barbituriques.

Je suis tellement désolée.
Tu ne méritais pas de mourir Taï.
Simplement parce que je ne savais plus comment te gérer. C’est si injuste.

Tu as été le meilleur des chiens.
Je ne pouvais plus supporter la vie avec toi, c’est vrai.
Mais est-ce que je vais supporter la vie sans toi ?

Je suis désolée Minou.
Où que tu sois, j’espère que tu pourras me pardonner l’impardonnable.

J'ai longtemps hésité avant de vous en parler. Avant de le publier en fait.
Là j'ai un peu abusé d'un apéritif solitaire, donc voilà.
Ce sera fait.
Cela rend les choses réelles décrire ici.

La culpabilité que tu ressens... c'est ton chagrin, c'est ton deuil. Face à ce choc, tu avais deux réactions possibles, lui en vouloir à lui, ou t'en vouloir à toi. Avec ton amour, tu choisis de te culpabiliser... surtout qu'intellectuellement, tu sais bien que ce n’était pas sa "faute" ou sa "décision" de bouleverser votre vie.
Mais tout ça c'est juste pour essayer de trouver un coupable à ce qui te fait si mal. Il n'y a pas de coupable à l'age et la maladie. C'est comme ca, c'est pas toujours rose, la vie.
Tu ne sais sans doute pas voir, (et a plus forte raison exprimer) ce qui t'a fait réaliser que la situation échappait à tout contrôle... et qu'il y avait trois êtres malheureux. Ce sont certainement tout un ensemble de petits signes.

Comme le montre ta phrase "J’ai un peu l’impression de t’avoir perdu il y a déjà plusieurs semaines." tu as vécu ce qui s'appelle un "deuil blanc". L’être est toujours physiquement là, mais ce n'est plus lui. C'est atrocement douloureux, ça s’éternise, ça fait le yoyo entre espoir insensé et déprime.
Et en fin de compte, c'est complétement déstabilisant, on ne peut pas en parler, parce qu'on devient superstitieux. DEs fois on voudrait tellement que ça s’arrête, mais comment oser le dire.

Tu as eu RAISON, tu as fait tout ce que tu pouvais, il n'y avait aucune issue heureuse possible, et en revanche, les risques augmentaient. A quoi aurait servi le fait de le maintenir, de plus en plus prisonnier de son monde? Ton seul tort est d'avoir pris la décision seule, d'avoir tant attendu pour en parler, comme si c’était honteux!

Maintenant, il te reste à rassembler les souvenirs des moments heureux, ceux que tu lui as offerts, ceux qu'il t'a offerts. Il a connu ça avec toi, et c'est pas rien!

Plein plein de courage pour surmonter cette douloureuse épreuve.

Je rejoins Joëlle. Tu as pris la bonne décision.
J'ai fait endormir ma chienne, Laura, alors qu'elle n'était déjà plus elle-même depuis un moment. Je n'avais plus la même chienne. Elle n'avait plus toute sa tête, c'était un zombi.

Du fait que s'occuper d'elle au quotidien était très contraignant, j'ai retardé le moment de l'euthanasie par peur de la faire partir pour de mauvaises raisons. Mais je me rends compte aujourd'hui que continuer à la maintenir en vie dans ces conditions n'aurait pas été bien, ni pour moi, ni pour elle, et je me dis que j'aurais même sans doute dû le faire plus tôt.

Comme d'habitude, Joëlle a su mettre en mots la réalité des choses. Tu ne pouvais pas faire autrement.

Tu as su (contrairement à tant de gens !) donner à Taï une vie heureuse, c'est énorme. Il t'a apporté beaucoup, tu lui as apporté tout, y compris un départ en douceur, tout contre toi. C'est ça, l'amour pour un compagnon de vie.

Maintenant, il faut évacuer ta culpabilité et parvenir à voir la vie sous son côté positif. Tu as prouvé que tu es courageuse, tu vas y arriver, avec l'aide de ta Piotte !!

Merci à tous.
Vraiment.
Et en particulier à Joëlle, cette histoire de deuil blanc, c'est exactement ça. Il m'arrivait de plus en plus souvent de parler de lui au passé, alors qu'il était encore là

J'ai eu beaucoup, beaucoup de chance d'avoir un tel chien dans ma vie.

ET lui aussi, Il a eu beaucoup de chance de t'avoir eu toi !!

BOn courage à toi dans cette pénible épreuve

Plein de courage

Je suis désolée pour toi, et même j'ai versé une larme en te lisant, tellement ta douleur et ton amour pour lui sont sensibles... Et puis au fil du temps on s'attache même si on ne connait pas "de visu"...
Je suis moi aussi convaincue que c'était la bonne décision, même si elle est très dure... Joëlle a su trouver les mots.
La vie sans le plaisir de vivre, à quoi bon?... et que lui restait-il à ton gros père?
S'il avait senti ta méfiance et ta crainte à son égard grossir, il aurait perdu tout ce qui comptait encore pour lui.
Plein de courage pour toi

En te lisant, même si lers conditions et les personnages ne sont pas les mêmes, j'ai eu l'impression de revivre ce que j'ai vécu avec.... mon père.........
Il est décédé le 26 février 2008, mais pour moi, il était parti de puis le 7 janvier 2005, jour où il a fait l'AVC qui lui a fait "perdre la tête"...
De le voir comme ça pendant 3 ans (heureusement que Saku était là pour m'épauler) a été beaucoup plus douloureux pour moi que d'apprendre son décès... et franchement, s'il avait été dans mes moyens de pouvoir le "libérer" plus tôt, je l'aurais fait...

Alors, que tu culpabilises, je vais dire que c'est normal... mais ne te te tape pas trop sur la tête, ça ne sert à rien !
Même si tu ne nous crois pas quand on te dit qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à faire, arrête de t'enfoncer !

Comment se passe ta vie avec ta belle maintenant ??? C'est ça qui est important, et va te faire aller de l'avant...

Impossible de ne pas culpabiliser quand on prend ce genre de décision. Ce n'est pas comme s'il souffrait.
Et oui, bien sûr, je l'adorais ce chien. Il était excessif, un peu trop intelligent pour être facile à vivre, à la fois foncièrement libre et indépendant, tout en étant très attaché à moi et sensible à la moindre de mes émotions. Un drôle de mélange.

Ma chienne....
D'un côté elle est devenue soudainement beaucoup plus libre et elle en profite (par exemple si elle ne mange pas son os, elle peut le laisser traîner toute la journée par terre, à sa portée, idem pour la gamelle).
De l'autre, elle est un peu larguée.
Je la surprends encore à regarder derrière elle pour l'engueuler pour ne pas qu'il passe la porte avant elle.

Quand ta chienne se sera faite à l'absence de Tai, touit doucement, tuprendras toi aussi tes marques sans lui.... mais comme pour tout, il faut laisser le temps au temps, nous n'avons guère le choix....

courage

Je suis désolée pour Taï et toi d'avoir eu à vivre cette expérience si difficile. Je pense bien à vous deux et te souhaite tout le courage dont tu as besoin.

Morrigane a écrit:

on se remémore des souvenirs, et ce n'est pas incompatible avec le fait de faire son deuil et chacun le vit différemment.

Oui, chacun fait comme il le sent....
Il n'y a pas de règle !
Quand Pom' est morte, dans une chambre d'hôtel à Grandville, à 5h15 du mat, Mon homme est sorti pour prendre l'air (il gelait) et à ce moment-là, les éboueurs passaient..
Il les a arrêtés, a pris toutes les affaires de Pom' qui étaient dans la voiture (plaids souillés, gamelles, etc) et a tout balancé de colère dans la benne !!!
ca a été sa façon d'exorciser un peu sa rage de ne rien avoir pu faire, et d'être obligé de subir et souffrir...

Moi, je ne jette pas, mais je mets de côté pour ne plus rien avoir sous les yeux... mais je sais que plusieurs années après, je suis heureuse et émue de retrouver des petits trucs : gamelles, jouets, poils, couvertures etc...

Et par exemple, quand on a eu Saku, les premières nuits, elle le a passées avec les grosses peluches de Diapo ma bretonne... et la "petite" a dormi sans souci, sans pleur, lovée contre les peluches qui avaient encore l'odeur de Diapo....

Bouh, c'est malin de remuer tout ça à l'heure qu'il est tiens.................

C'est vrai, je vais garder aussi. Le jour où, j'ai immédiatement retiré sa cage, et jeté le matelas mousse sur lequel il dormait : une façon d'expliquer à ma piotte qu'il ne reviendrait plus.
Pour tout le reste, il faut que je fasse le tour de la maison, et que je trouve un carton. C'est une excellente idée.
Garder ces objets du quotidien sous les yeux est douloureux.....mais les retirer le sera aussi.

je garde aussi , mais chacun le vit à sa façon !!! J'ai même laisser les traces de bavouille sur les fenêtre pendant très longtemps ....je ne pouvais me résoudre à effacer leurs traces !

Rah on reconnait bien là la maitresse de dogue
On a aussi laissé un certain temps les traces de bave de Ralf, d'ailleurs beaucoup étaient indélébiles...
Les poils dans la voiture aussi... et l'autre jour on a retrouvé je ne sais plus quoi avec une fameuse trace de bave dessus on rigolait avec mon chéri...

SoWhat a écrit:

Garder ces objets du quotidien sous les yeux est douloureux.....mais les retirer le sera aussi.

Si tu l'avais fait immédiatement, le choc n'aurait pas été le même.... mais maintenant, ce sera plus dur....

Le principe qui dit que si on ne se détache pas des affaires, on ne peut pas faire le deuil, je le trouve nul ! Il n'y a pas de règle, certains gèrent le deuil en gardant, d'autres pas même en jetant. Garder ne veut pas dire se complaire dans la douleur. Chacun son rythme et sa façon de gérer.

Pour ma part, je garde, pas tout, et pas sous les yeux. J'en jette, surtout en donne certaines tout de suite, j'en garde d'autres un certain temps, d'autres toujours. L'idée de donner plutôt que de jeter m'est plus supportable. Pour l'anecdote, à la mort de Piccolo, mon titi qui perdait tant de poils, je ne voulais plus passer l'aspirateur : ses poils par terre étaient tout ce qui me restait de lui en dehors de son « matériel »... Je me suis relevée de sa disparition quand même !

Fais à ton rythme du moment que tu avances, même si c'est à petits pas. Tu peux effacer certaines traces, pas d'autres auxquelles tu n'est pas prête.
Par contre, garder en évidence alors que c'est douloureux pour toi... tu ne devrais pas t'infliger cette douleur ...